C’est comme si c’était réel. Je me réveille en sursaut, le cœur battant à mille à l’heure. Je suis toute transpirante et je sens les larmes me monter aux yeux. Doucement, je tapote mon front avec la pomme de ma main, essayant de me calmer mais rien à faire. Je n’arrive pas à retenir les larmes qui coulent le long de mes joues. Est-ce que ces cauchemars s’arrêteront un jour ? Le pire dans tout ça, c’est que ces cauchemars sont tellement réels. Quand je me réveille, j’ai l’impression de sentir encore les mains de ce gros porc sur mes cuisses. Je ferme les yeux en inspirant et expirant doucement. J’essaie de calmer mon rythme cardiaque, sans succès. Je lève alors les yeux vers la fenêtre près de mon lit. On ne voit pas très bien les étoiles dans le ciel depuis quelques jours. Je me décide alors à sortir de mon lit et à enfiler un gilet. Dans le noir, je me dirige vers la porte de ma chambre pour en sortir et je rejoins celle de ma sœur. Autumn dort dans la chambre juste en face de la mienne et c’est presque une habitude que je vienne toquer à sa porte dans cet état. Je me dis parfois que je dois être un vrai boulet pour ma sœur. Comment est-ce qu’elle peut tourner la page si je suis sans arrêt là, dans cet état, à lui rappeler ce qui nous est arrivé ?  Doucement, je toque à la porte de sa chambre et je l’ouvre, passant uniquement ma tête pour murmurer doucement, « Autumn.. ? Tu dors… ? » Je m’en veux de venir la déranger, mais c’est le seul moyen pour que j’arrive à me calmer et que j’arrive à dormir. J’ai besoin d’elle et même si aujourd’hui je m’en veux d’être aussi dépendante à elle, je n’ai pas le choix parce que j’ai vraiment besoin de me calmer.

Ce soir, c'était juste un soir comme un autre. Ça faisait toujours un peu bizarre de ne pas être dans la même chambre que celle de Jaycee, de ne pas lui murmurer tout bas mes petits secrets, même si nous étions que deux dans tout l'appartement, la chambre et les chuchotements ajoutaient du secret à la chose. Je me souviens d'un jour où j'avais dis à une amie -à l'école primaire, évidemment- que je racontais toujours tout à Jaycee. Elle m'a répondu qu'à partir du moment où deux personnes le savaient, ce n'était plus un secret. Je n'étais pas d'accord, et je ne le suis toujours pas. Ça reste un secret, ça reste gardé entre nous. C'est quelque chose qu'elle ne répétera pas et je le sais. Après tout, parfois, c'est comme si nous étions qu'une seule personne. On partage tout avec Jaycee, et ça depuis qu'on est petite. « Autumn.. ? Tu dors… ? » J'ouvre les yeux tout doucement et secoue la tête, murmurant la tête encore endormie « non.. non viens.. » je sais pourquoi elle vient, et je ne lui en veux pas. Cette période m'a aussi appris à dormir uniquement d'une oreille, alors le moindre bruit me réveille, la moindre chose. Comme si je ne dormais jamais réellement et totalement. Je soulève ma couette et attends qu'elle vienne se caler dans mon lit. C'est une habitude, maintenant, et je pense que si un jour on se sépare, ça me manquera. Ça me manquera de ne plus me sentir importante pour elle, d'être mise au second plan, de savoir que quelqu'un a pris ma place. Elle me manquera, tout simplement. « t'a fait un cauchemar.. ? »

Je m’en veux de toquer à sa porte, vraiment. Je m’en veux de l’embêter en pleine nuit, de devoir partager son lit. J’ai l’impression d’être une grosse chieuse, l’impression d’être un pot de colle même mais.. c’est plus fort que moi. Je viens de faire un rêve et.. je n’arrive pas à me calmer. Je tremble de partout et je sais que la seule manière pour que ça se calme, c’est que je ne me sente plus seule. Et la seule personne qui peut m’aider à ne plus me sentir seule, c’est ma sœur. J’espère qu’un jour ça se calmera. Les cauchemars, l’angoisse perpétuelle. Je me demande même parfois si j’arriverai à être normale un jour. Je présume qu’uniquement le temps me le dira. C’est donc comme ça que je me retrouve à toquer à la porte de sa chambre en demandant doucement si elle dort. Je progresse quand même, parce qu’il y a encore quelques années, je me réveillais de mon cauchemar et j’allais directement la voir. Plus le temps passe, plus j’essaie de me calmer toute seule et de prendre sur moi. Je finis toujours par aller dans son lit, mais j’essaie et c’est déjà pas mal. « non.. non viens.. » Je sens qu’elle dort à moitié, alors je n’ai pas envie de trop la réveiller. Je ferme la porte derrière moi discrètement et je me glisse dans son lit, m’approchant d’elle pour pouvoir sentir sa présence qui me calme immédiatement. Je remonte la couette sur moi alors qu’elle me demande, « t'a fait un cauchemar.. ? » J’hoche la tête en soupirant, posant ma tête sur l’oreiller, « Ouais.. toujours le même.. » Je ferme les yeux et j’ajoute, « Désolée de t’avoir réveillée.. j’ai essayé de.. me calmer mais.. j’ai encore un peu du mal.. » Je me sens toujours obligée de m’excuser quand je la réveille en pleine nuit à cause d’un cauchemar.