Fin de l'entrainement pour Sabian. Il se sentait particulièrement apaisé, le sport lui était bénéfique, autant pour son moral que pour son physique. Le hockey n'était pas un sport facile mais c'est dans la difficulté que Sabian se montre le plus efficace. Habitué à la souffrance, sur les patins, c'était un homme déterminé et complètement dingue. Il n'était pas rare de le voir débarquer avec des bleus sur le corps. Ce sport de contact lui permettait de ne pas s'attaquer physiquement aux gens qu'il aime. C'est clair, le jeune homme avait besoin de se défouler, d'évacuer cette rage qui l'emprisonnait. Le jeune homme rentra à pied de la salle de sport. Il voulait juste se vider l'esprit et repenser calmement à l'entrainement qu'il venait de suivre. Le rôle de capitaine lui collait à la peau. Sabian marchait tranquillement sans trop savoir où aller. La journée était terminée et il se laissait guider par ses pas, peu importe où cela le mènera. Il s’arrêta quelques secondes, le temps d'allumer une clope bien méritée. Pas de panique, il fumera son joint ce soir tranquillement. Depuis peu, le beau brun essayait de diminuer ses doses quotidiennes. Pour l'instant, il y arrivait avec plus ou moins de succès. Sabian inspira profondément dans sa cigarette pour remplir ses poumons de cette douce substance. Après l'effort, le réconfort, c'était sa devise. Il continua à marcher, il faisait plutôt bon dehors, pas trop de vent. En fait, il manquait peut-être un peu de musique pour alimenter sa marche paisible. La bonne humeur était de rigueur, pour une fois. Sabian regardait les gens, sa deuxième personnalité semblait si lointaine, tout paraissait possible ce soir. Tout allait bien jusqu'à ce que son regard croise celui d'une jolie brune. Oh mon Dieu, il ne mit pas une seconde avant de la reconnaître. Ce regard, ça ne pouvait être qu'une seule personne. June ? Impossible ! Et pourtant, elle se trouvait bien face à lui. Serait-ce encore l'une de ses hallucinations ? Non, sa dernière dose datait d'avant l'entrainement, les effets s'étaient déjà dissipés. Sabian se stoppa net, il arrêta de marcher. Impossible pour lui de ne pas la regarder. Elle n'avait pas trop changé, que faisait-elle en ville ? Il pensait qu'elle avait quitté la ville pour toujours, apparemment non. Étrange, elle ne semblait pas le remarquer ou faisait-elle semblant pour ne pas avoir à l'affronter ? Alors que la brunette avançait, il fallait qu'il réagisse. Faire quelque chose, n'importe quoi, il ne pouvait pas laisser passer sans rien dire. A ce moment là, tout ce qu'elle lui avait infligeait remontait à la surface. Il serra les poings, il était mal là. Lorsqu'elle arriva à sa hauteur, Sabian s'approcha d'elle. « Qu’est ce que tu fous là ? » demanda-t-il agressivement. La pauvre, il ne s'était même pas rendu compte que ce n'était pas June. On aurait dit un fou en plein délire, oh mais c'était bien ça en fait, ce n'était pas juste une impression.  « T'es pas la bienvenue ici. » continua-t-il. Et ouais, la suite des événements ne s'annonçait pas très bien. Surtout quand Sabian se rendra compte qu'il ne s'agit pas de June mais d'une pauvre fille qui n'a rien demandé à personne.

Le jeudi était la journée la plus courte, bizarrement. Du coup, en rentrant, j'étais toujours de corvée de repas pour le soir. En général, avec Jaycee, on se contentais de ce qu'on avait mais quand on faisais à manger, on s'arrangeait pour bien le faire. On aimait toutes les deux faire la cuisine et c'était vraiment sympa quand on le faisait ensemble. Parfois, ça partait en envol de farine et pour nettoyer le tout, c'était forcément moins marrant mais l'idée c'était surtout d'avoir un bon repas. J'étais passé à la boulangerie pour des macarons, la gourmandise qui voulait certainement ça, et je marchais tout en réfléchissant à ce que j'allais bien pouvoir faire ce soir. Les idées étaient nombreuses mais rien ne me faisais envie. Non, rien du tout. Jaycee était à son club de théâtre, et moi.. je me baladais, voilà tout. Je regarde autour de moi, j'observe les gens, je me demande quelle à été leur vie, comment était leur passé. Bizarrement, je n'arrive pas à voir quelque chose de mal pour tous ces gens, je vois que des enfances heureuses. Comme si j'étais la seule à avoir subit. C'est loin d'être le cas. « Qu’est ce que tu fous là ? » je fronce les sourcils et je recule d'un ou deux pas. Il est agressive, je l'entends dans sa voix mais pourtant.. ses yeux me montrent quelque chose d'autre. J'ai l'impression qu'il.. je sais pas, c'est tellement contradictoire. Là, j'ai peur. Je repense à Marius et à son agressivité, sa violence, et pourtant cet homme a l'air d'être à des kilomètres comme lui, mais sa réaction me fait douter. « T'es pas la bienvenue ici. » eh.. je vis ici. J'ai du mal à comprendre, je regarde tout autour de moi comme pour chercher de l'aide des yeux, mais rien. Personne que je ne connais, personne pour me sortir de là. Je lui souris gentiment, du mieux que je peux du moins parce que là tout de suite, je l'avoue, j'ai un peu peur. « vous.. vous vous trompez de personne. » je tente de me sortir de là, « désolée. » et détourne mon chemin, je contourne ce jeune homme et essaie de continuer mon chemin un peu plus rapidement que de base. Ce qu'il peut m'arriver ? Rien de pire, certes.  

Une douce illusions bercée par une âme meurtrie. A cet instant précis, Sabian ignorait s'il s'agissait d'un rêve ou de la vérité. Voilà déjà quelques années qu'il ne savait plus trop faire la différence. Son cerveau avait ingurgité tellement de drogue et de substances dangereuses, voilà pourquoi il déconnait parfois. Cette fille, elle lui ressemblait tant, ça ne pouvait être que June. Aucun doute, Sabian en était persuadé. Alors qu'elle continuait à marcher, la brunette ne prit même pas la peine de s'arrêter. Elle prétexta ne pas être la bonne personne, elle s'excusa et continua sa marche comme si de rien n'était. « Vous.. vous vous trompez de personne, désolée. » répondit-elle. Une once de colère traversa l'esprit du beau brun. Non mais pour qui se prenait-elle ? Voilà qu'elle l'ignorait. Sabian n'allait certainement pas en rester là, il voulait une explication. Après tout, elle avait brisé sa vie, l'avait trompé et était partie sans même une explication. C'était trop pour le jeune homme. Il avait bien changé depuis le temps qu'ils ne s'étaient pas vus. Son état s'était surtout empiré. Ne voulant pas laisser passer cette chance d'avoir une explication, Sabian se retourna. Oh non il n'allait pas la laisser partir. « Tu crois que tu vas pouvoir t'en tirer aussi facilement ? » cria-t-il. Les gens autour se retournaient sur eux. Sabian s'en foutait royalement, il ne voyait qu'elle, que June ou peu importe qui elle était. Le jeune homme sentait la haine monter en lui. Sa double personnalité allait prendre un malin plaisir à prendre le dessus. Il ne réfléchissait plus, il agissait. C'était son gros problème, le bipolaire était extrêmement impulsif et avait des réactions parfois très étranges. Les curieux autours jetaient des petits coup d'oeil, peut-être attendaient-ils la suite. « Tu vas regretter d'être revenue crois-moi. » continua-t-il en haussant le ton encore un peu plus. Il ne supportait pas cette situation, ses poings se serraient. La brunette marchait plus doucement. Sabian passait pour un fou, au pire pour un alcoolique qui sortait d'un bar. Alors que non, c'était malheureusement son état normal. Le bipolaire ne pouvait se contrôler, c'était plus fort que lui, la colère le manipulait totalement. Sentant le malaise, le jeune homme ne ralentissait pas. Il la voulait son explication bordel. « Mais assume putain... Tu es pitoyable, tu n'as pas changé. » hurla-t-il. Ouais enfin là, c'était surtout lui qui était pitoyable. Incapable de voir l'évidence, il ne rendait pas compte qu'il ne s'agissait pas de June. Oh le boulet, les passants étaient à deux doigts d'appeler les flics. Mais je crois que même ça ne pourra pas l'arrêter.  

J'essaie d'éviter, de marcher plus vite, de me reculer. Les gens autour commencent à nous regarder bizarrement et être remarqué n'est pas quelque chose que j'apprécie forcément. « Tu crois que tu vas pouvoir t'en tirer aussi facilement ? » je comprends rien à ce qui m'arrive mais je suis certaine d'une chose : je n'ai jamais croisé ce type, ni ici, ni ailleurs. J'ignorais totalement ce qu'il me voulait, et si je le savais je ne me laisserais pas faire comme ça, certainement pas, mais là, ça devenait vraiment très gênant. « Tu vas regretter d'être revenue crois-moi. » il hausse le ton encore plus qu'avant et là j'avoue que je commence à avoir un peu peur. Enfant, on haussait que très peu le ton avec nous, sauf parfois Marius et en général, il nous punissais derrière pour l'avoir fait rien qu'un temps soit peu crier, alors arriver là avec ce type, ça me donne juste des sueurs froides. Surtout que je ne le connais pas, je ne sais qui il est et j'ignore même ce qu'il me veut. « Mais assume putain... Tu es pitoyable, tu n'as pas changé. » là, il crit. Je soupire et le regarde, prête à lui cracher mon venin comme il faut pour qu'il ne revienne plus du tout, je plante mes yeux dans les siens, bien déterminée, et.. je me stoppe. Il fait tout pour être en colère mais.. je vois de la douceur dans ses yeux, presque de la tristesse. Je fronce les sourcils, pas certaine de comprendre. Il y a un tel décalage entre ce qu'il laisse entendre et ce qu'il y a au fond. « elle a du te faire énormément de mal.. » j'essaie d'être calme, parce que je sais que si je m'énerve, il va lui aussi s'énerver encore plus et c'est pas ce que je souhaite. Je veux juste.. être tranquille, et pour l'être faut comprendre et essayer de lui faire comprendre que je ne suis pas celle qu'il croit que je suis.
 

Personne ne pourrait expliquer cette situation ce paradoxe, ce quiproquo. Sabian pensait avoir affaire à son ex et elle, à un fou. C'était clairement une situation de dingue. C'était le cas de le dire, le mec qui s'énervait en pleine rue, pour rien et qui plus est, sur une minette qui n'avait rien demandé à personne. La pauvre, elle cherchait juste à s'enfuir et ne plus jamais le croiser de sa vie. Sabian était persuadé que c'était June, elle lui ressemblait tellement, ça ne pouvait pas être une autre fille. Sa vue n'avait pas baissée, il voyait encore bien. Même si en ce moment il n'allait pas très bien, il voulait peut-être inconsciemment recroiser son ex pour mettre les choses au clair avec. Franchement, elle était partie sans rien dire, Sabian avait appris qu'il était cocu depuis un moment. Elle s'était royalement foutue de sa gueule et tout le monde avait su cette histoire. Bien sûr, au lycée, cette histoire avait fait beaucoup de bruit. Le bipolaire trompé et humilié, il avait mis beaucoup de temps avant de s'en remettre. Les quelques mois qui avaient suivis la rupture furent catastrophiques pour lui. Sabian avait alors enchaîné les conneries et notamment les visites au poste. Avec les années, la haine s'était accumulée et avait nourri sa deuxième personnalité qui prenait ainsi de l'ampleur. Bref, la jeune fille décida de s'arrêter et de s'approcher du malade mental qui hurlait dessus depuis tout à l'heure. Elle semblait perplexe et quelque peu apeurée. « Elle a du te faire énormément de mal.. » dit-elle sur un ton assez doux. Le beau brun fronça les sourcils, il ne semblait pas comprendre. Quoi ? Elle avait déjà oublié tout ce qui s'était passé. Elle se foutait de sa gueule ou quoi ? Incroyable, elle poussait le vice à ce point là ! Sabian serra les poings. Il n'avait même pas compris qu'elle avait employé le elle et non le je. Evidemment, il ne pouvait que réagir au quart de tour. « Attends, t'es sérieuse là ? » dit-il sur un ton dédaigneux. Il était complément écœuré d'entendre ça. Le jeune homme se passa la main dans les cheveux, signe de grande inquiétude, il ne comprenait pas sa réaction, vraiment pas. « Fais la fille qui ne sait pas, vas-y tu as raison.  » continua-t-il sur le même ton. Elle le répugnait. Comment ne pouvait-on avoir si peu de coeur ? Au moins qu'elle lui dise quelques mots, une excuse, une remarque désobligeante aurait fait l'affaire mais pas un rejet complet. June l'avait trompé, trop de signes étaient contre elle. Même si la situation était critique, Sabian se calmait légèrement. En fait, il était comme ça, tantôt énervé, tantôt calme et ce pour aucune raison. Il ne fallait pas chercher, même lui ignorait les raisons de ces changements si brutaux. Avec le temps, il arrivait plus ou moins à ce contrôler. Ce soir c'est clair, il avait énormément de mal à s'y faire. Trop d'émotions d'un coup, trop de souvenirs douloureux.  

 « Attends, t'es sérieuse là ? » apparemment, la douceur ne marche pas non plus. « Fais la fille qui ne sait pas, vas-y tu as raison.  » je voulais juste tenter de le calmer, qu'il reprenne ses esprits et qu'il comprenne que je ne suis pas celle qu'il croit, mais pour le moment, toutes mes tentatives ont été vaines et je n'avais pas envie que les gens continuent à nous regarder comme ça. Comme si j'avais fait quelque chose de mal, comme si c'était moi la fautive alors que ce type, je ne le connaissais même pas avant qu'il viennent se jeter sur moi pour me dire toutes ses choses. Je respire un moment en le regardant, « oh, je sais ! » je fouille dans mon sac, et sort mes papiers dont ma carte d'identité. Il y est clairement écrit « Autumn Breckinridge », et elle se fait un peu vieille. « regarde. » je lui tends ma carte, sans pour autant la lâcher. Il serait peut-être capable de la garder ou de la jeter en disant que ce n'est que du mensonge alors que ça ne l'est pas. « Je m'appelle Autumn.. » si par malchance, la fille avec qui il me confond s'appelle Autumn, je pars en courant. Je lui souris un peu et regarde autour de nous. Je sais pas quoi faire, mais dans ses yeux je vois la même douleur que celle de Jaycee quand elle me regarde et qu'elle pense à notre enfance avec Marius. C'est pas comme ceux de Jaycee, parce qu'elle, sa douleur est forte, mais je peux voir qu'il a mal aussi, et j'ai envie de lui dire que ça ira, j'ai envie qu'il aille mieux, tout comme Jaycee. « je mens pas.. » je souris et le regardais, allez, tu vois bien que c'est pas moi. « tu veux qu'on aille prendre un chocolat.. ? » je détestais le café, alors mon reflex était de dire chocolat, je savais que ce n'était pas toujours très clair pour les gens mais ça l'était pour moi, et c'était mon habitude. Un chocolat, c'est toujours meilleur qu'un café, de toute façon.